Response to “Qu’attend-on ?”

July 30, 2014

Article by Antoine Robitaille, Le Devoir
July 15, 2014

30 juillet 2014

À Monsieur Antoine Robitaille, éditorialiste

Monsieur, il semble bien que vous ayez pris pour argent comptant les explications apportées par l’OCAA (Ontario Clean Air Alliance) et reprises par Équiterre au sujet des éventuelles exportations d’électricité d’Hydro-Québec (HQ) vers l’Ontario. ” Pourquoi n’est-ce pas déjà fait ? ” et ” Par contraste, les évaluations de l’OCAA et d’Équiterre ont de quoi faire rêver “, écrivez-vous. (” Qu’attend-on ? “, Le Devoir, 15 juillet)

Il y a souvent un fossé entre le rêve et la réalité. Cela s’applique au présent dossier. Cela s’applique aussi aux prédateurs de l’hydroélectricité. Ici, les prédateurs sont situés dans la province voisine de l’Ontario qui peuvent reluquer les surplus du Québec. Du côté du Québec, les rêveurs doivent revenir sur terre.

Équiterre prévoit qu’HQ exporterait à 5,7 ¢ le kilowattheure, un prix qui ” représenterait 30 % de moins que le coût estimé de l’électricité que produirait la centrale de Darlington après la réfection (8,3 ¢/kWh) “. Ainsi, le groupe écologiste se prononce sur des futurs coûts de réfection de quatre réacteurs nucléaires CANDU de 881 MW de puissance chacun, entrés en opération dans les années 90 à la centrale Darlington, opérée par Ontario Power Generation (OPG). Il est facile de se tromper en parlant de coûts futurs dans le nucléaire canadien…

Petit calcul : la moitié du coût mentionné précédemment est 2,85 ¢/kWh. Équiterre écrit : ” Ce serait près du double qu’HQ touche actuellement en échange de la majorité de l’électricité qu’elle exporte. ” Selon le rapport annuel 2013 d’HQ, nous apprenons (p. 11) qu’HQ a vendu en exportations nettes 30,8 TWh pour un montant de 1353 millions, ce qui donne un prix unitaire de 4,39 ¢/kWh. Le double de ce montant est 8,78 ¢/kWh, ce qui nous situe bien loin de l’estimation d’Équiterre.

Toujours dans le communiqué d’Équiterre, on parle de revenus additionnels pour HQ de 600 millions de dollars par année. Dans votre éditorial, vous parlez d’un contrat à long terme au prix unitaire de 5,8 ¢/kWh. En divisant 600 millions de dollars par 5,8 ¢/kWh, nous apprenons que ce contrat porterait sur environ 10,34 TWh d’exportations d’électricité en provenance d’HQ. Si nous retenons la production actuelle des quatre réacteurs nucléaires de Darlington d’environ 24 TWh, les 10,34 TWh exportables maintenant par les interconnexions existantes entre le Québec et l’Ontario représenteraient 40 % de la production actuelle de Darlington. 100 % du remplacement de la production de Darlington n’est pas réglé. C’est un autre dossier.

Revenons au communiqué d’Équiterre, aucunement fiable selon nous puisqu’il se fonde sur de fausses appréciations. Précisons la base des calculs pour arriver à un prix contractuel de 5,7 ¢/kWh. C’est la notion d’équitable que vous formulez ainsi : ” Chose certaine, la hideuse expression ” gagnant-gagnant ” s’imposerait ici. ”

Équiterre s’appuie sur le coût estimé du kilowattheure produit par Darlington après réfection (8,3 ¢/kWh). Cette estimation est douteuse surtout dans le nucléaire de type CANDU. Le seul de ce type ayant été récemment rénové est celui de Point Lepreau au Nouveau-Brunswick. Les coûts estimés en 2008 étaient 1,4 milliard. Les coûts réels ? 3,3 milliards en 2012. La réfection devait durer 18 mois. Elle a duré 48 mois.

Imprudence

Dans l’article ” Cost of power from Darlington will jump after overhaul ” (site Web du Toronto Star du 10 février), le journaliste John Spears se penche sur les coûts de Darlington : ” De nouvelles informations font en sorte que le coût du projet augmente — ou diminue — selon les éléments pris en compte. Ontario Power Generation est demeuré peu disposé à dévoiler ses estimations de coûts. ” (Notre traduction.) Un tel commentaire, doublé de notre expérience au sujet des estimations d’HQ (7,2 ¢/kWh pour la réfection de Gentilly-2), nous permet de douter du 8,3 ¢/kWh servant de référence aux calculs d’Équiterre. Se baser sur de tels chiffres incertains pour imaginer un contrat à long terme d’exportations d’une valeur annuelle de 600 millions de dollars n’est pas prudent. C’est même délirant. […]

Revenons aux calculs : ainsi, l’Ontario pourrait économiser 2,6 ¢/kWh grâce à HQ. Dans le cas d’HQ, les 2,6 ¢/kWh s’ajouteraient aux 3,2 ¢/kWh, prix actuel des exportations que vous cautionnez dans votre texte, soit environ 3,0 ¢/kWh ; ce qui pourrait donner le prix unitaire de 5,8 ¢/kWh.

On peut facilement comprendre que l’Ontario soit preneur d’un contrat à long terme à 5,8 ¢/kWh, surtout si le prix estimé après la réfection de Darlington s’avérait être supérieur à 8,3 ¢/kWh, disons 15 ¢/kWh. À ce moment, la formule qui s’imposerait serait ” gagnant-perdant “, et le Québec devrait se ranger comme d’habitude du côté des perdants. Non merci ! Le titre de votre éditorial aurait pu être : ” Qu’attend-on pour se faire avoir ? ”

En somme, vos rêves suscités par les élucubrations de l’OCAA et d’Équiterre auraient dû être nuancés. Quand on sait que l’hydroélectricité des Québécois est un bien essentiel et irremplaçable, on ne doit pas dire oui-oui au premier venu en acceptant ses chiffres. Avouez, M. Robitaille, que vous vous êtes bien fait avoir.

John Barrett
Président et chef de la direction, Association nucléaire canadienne

My logo