Mémoire présenté au Comité permanent des ressources naturelles
Mémoire présenté par Denise Carpenter, présidente et chef de la direction, Association nucléaire canadienne
au Comité permanent des ressources naturelles
le 24 mars 2011
Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité!
Au nom des 71 000 personnes qui travaillent dans l’industrie nucléaire canadienne – depuis les employés de notre installation de recherche nucléaire TRIUMF en Colombie-Britannique et des installations SLOWPOKE-2 à l’Université de l’Alberta jusqu’aux travailleurs des mines d’uranium de Cameco et d’Areva en passant par les employés du Conseil de recherches de la Saskatchewan et tous les travailleurs de nos centrales nucléaires et les chercheurs en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.
Nous rendons hommage aux Japonais, qui ont fait preuve d’une résilience et d’un courage formidables depuis le séisme et le tsunami dévastateurs qui les ont frappés il y a presque deux semaines.
D’entrée de jeu, permettez-moi d’énoncer un fait : quoique la sûreté absolue n’existe pas, le parc nucléaire canadien est sûr. Chaque structure est conçue et construite conformément aux normes sismiques – et ce, même si nos installations se trouvent dans des régions où l’activité sismique est faible et le risque de tsunami pratiquement nul.
La sûreté a toujours été – et elle demeure – la première priorité de notre industrie. La culture de la sûreté nucléaire transcende les frontières géographiques. Elle a véritablement une envergure mondiale.
Notre industrie repose sur le retour d’expérience et l’amélioration continue à l’échelle planétaire sur la base du bagage d’expérience en génie acquise partout dans le monde.
Dans la foulée de l’incident nucléaire survenu au Japon, l’organisme de réglementation fédéral, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, examine actuellement le dossier de sûreté de toutes les installations nucléaires du Canada. Il s’agit d’une procédure systématique lorsque des incidents se produisent dans l’industrie nucléaire.
Le processus d’amélioration continue ne s’arrête jamais.
Nous sommes fiers de notre dossier de sûreté, mais la vigilance est toujours de mise. Bien entendu, nous examinerons minutieusement la tragédie survenue au Japon pour en tirer des leçons afin d’améliorer la sûreté ici au Canada – et ailleurs dans le monde.
Mon collègue, monsieur Duncan Hawthorne, vous parlera de cet aspect plus en détail dans quelques minutes.
Permettez-moi d’aborder maintenant la question plus large de la sécurité énergétique.
La filière nucléaire constitue un élément clé du portefeuille énergétique diversifié du Canada.
Le nucléaire permet de répondre à la demande de base 24 heures sur 24. Notre pays en tire 15 % de son électricité et l’Ontario, plus de 50 %.
Le principal avantage de la filière nucléaire tient au fait qu’elle produit d’énormes quantités d’énergie pendant de très longues périodes. Grâce aux progrès continus en génie et au retour d’expérience, nous prévoyons que la durée de vie de nos centrales atteindra 60 ans.
Défis et avantages
Mais, comme dans le cas de tous les combustibles, il y a des défis et des avantages.
La structure de coûts de notre industrie comprend des coûts d’investissement élevés mais de faibles coûts de combustible. Je vous parlerai dans un instant des avantages des faibles coûts de combustible.
Examinons d’abord les avantages de ces investissements de capital. Ce sont les mêmes avantages que ceux découlant de tous les grands projets d’infrastructure industrielle élaborés après mûre réflexion. L’avantage le plus important réside dans les emplois, mais ces projets génèrent aussi des recettes, des taxes et des impôts pour les collectivités ainsi que des retombées pour les chaînes d’approvisionnement dans l’ensemble du pays.
En ce qui a trait aux emplois, Manufacturiers et Exportateurs du Canada affirme dans un rapport publié en juillet 2010 que deux projets – la réfection des installations nucléaires de Bruce et de Darlington – créeront à eux seuls 25 000 emplois rémunérateurs pendant 10 ans en plus d’injecter 5 milliards de dollars par an dans l’économie ontarienne. Ces projets permettront aussi d’améliorer l’infrastructure au bénéfice des ménages et des industries pour la génération suivante.
Nous devons également prendre en compte les faibles coûts d’exploitation d’une centrale nucléaire. La centrale utilise une très petite quantité de combustible pour produire l’énergie – et le prix de l’uranium est fort peu volatil, si bien que les investissements dans la filière nucléaire nous exposent à des risques minimes en ce qui a trait aux fluctuations du prix du combustible.
D’après des études réalisées par l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE –, le coût global pour le consommateur tout au long de la durée de vie d’une centrale nucléaire est similaire à celui de l’énergie produite par les grandes centrales hydrauliques, les centrales au gaz naturel ou les centrales au charbon et beaucoup plus faible que celui de l’énergie éolienne ou solaire.
Et la tarification des émissions de carbone n’est pas encore prise en compte. Vous pouvez donc imaginer la suite. La rentabilité de la filière nucléaire augmente de façon proportionnelle au prix du carbone.
Dans notre industrie, les coûts externes sont minimes. Nous imposons à la société, ou à l’environnement, très peu de coûts que nous ne prenons pas en charge nous-mêmes. Plusieurs raisons expliquent cet état de choses : l’encombrement au sol de nos installations est faible, nous ne rejetons pratiquement pas d’émissions dans l’environnement et nous assurons en grande partie nous-mêmes le stockage et la gestion de la très petite quantité de combustible irradié et d’autres matières radioactives que nous générons et qui est d’ailleurs soumise à une surveillance très stricte.
En fait, notre industrie est la seule qui sait exactement où se trouvent tous ses déchets. Nos organismes de réglementation national et internationaux y veillent. Et, à notre avis, il ne s’agit pas à proprement parler de déchets. Nous parlons en fait de combustible que l’on pourra recycler un jour. Notre industrie est déterminée à suivre le rythme des progrès internationaux sur le front du retraitement et des nouvelles technologies de gestion des déchets.
Nous prenons donc en compte tous les coûts d’emballage, de gestion, de stockage et d’élimination de ces matières, ce qui signifie que ces coûts sont compris dans le prix de l’énergie nucléaire aujourd’hui.
Environnement
Sur le front de l’environnement, j’ai déjà mentionné que la filière nucléaire ne génère pratiquement pas d’émissions.
Si le Canada utilisait des centrales thermiques classiques au lieu des centrales nucléaires canadiennes actuelles pour produire la même quantité d’électricité, il générerait 90 millions de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires chaque année, soit l’équivalent de 12 % de nos émissions annuelles.
De plus, au moment même où nous nous efforçons de réduire l’empreinte carbonique de notre pays et du monde, le remplacement de l’énergie d’origine fossile par l’énergie nucléaire pourrait avoir un effet très positif.
Les faibles émissions, les coûts de combustible peu élevés et le faible encombrement au sol font déjà du nucléaire une filière attrayante pour de nombreux pays, avant même de parler de plafonnement ou de tarification des émissions de carbone.
Alors que la demande d’énergie augmente et que nous nous dirigeons vers un monde où les émissions de carbone devront être limitées, l’énergie nucléaire a un rôle à jouer au Canada et à l’étranger. Alors que les pays en développement se tournent vers des sources d’énergie durables et renouvelables, le nucléaire s’impose comme choix. C’est une filière abordable pratiquement sans émissions qui peut aider à créer ici même et dans les pays en développement des emplois qui stimuleront une économie enracinée dans l’innovation et la recherche.
Recherche-développement
J’aimerais maintenant parler d’innovation. Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur parce que l’innovation améliore notre productivité et, par le fait même, notre niveau de vie.
La plupart d’entre nous ont une bonne idée de la recherche-développement et du rôle important que joue la mise en commun des compétences et des connaissances à l’échelle internationale à l’appui de ces avancées. Prenons quelques minutes pour examiner les avantages de la recherche développement nucléaire.
La recherche-développement nucléaire – particulièrement celle menée dans nos grandes installations – permet de tester les matériaux et d’améliorer les produits, de fournir des produits et des services médicaux, d’assurer la formation et le perfectionnement de chercheurs et d’ingénieurs et d’exercer d’autres activités fort utiles dans une économie évoluée. Et le secteur nucléaire n’est pas la seule industrie qui en bénéficie. Loin de là.
L’apport de la recherche-développement nucléaire dans les sciences de la santé est indéniable. Tenons-nous-en à un seul exemple : des chercheurs étudient actuellement des nanostructures afin de concevoir des vecteurs pour des agents thérapeutiques qui peuvent cibler le cancer, la maladie d’Alzheimer et d’autres affections.
Ces percées sont utiles non seulement au Canada, mais aussi dans tous les autres pays où nous vendons nos produits.
Médecine nucléaire
J’aimerais maintenant aborder un dernier créneau de notre industrie dont les Canadiens peuvent être très fiers. La médecine nucléaire. On peut dire que la médecine nucléaire mondiale a vu le jour au Canada en 1951 lorsque des radio-isotopes, du cobalt 60, ont été utilisés pour la première fois contre le cancer. Et notre pays demeure à l’avant-garde sur ce front depuis une soixantaine d’années.
Les radio-isotopes médicaux produits au Canada sont utilisés dans plus de 50 000 procédures chaque jour dans le monde, dont 5 000 au pays. Chaque jour.
Entre autres, les radio-isotopes sont utilisés dans des traitements ciblés contre différents types de cancer. Plus de la moitié des radio-isotopes utilisés pour l’imagerie médicale dans le monde sont produits au Canada. Grâce aux images obtenues, les médecins peuvent diagnostiquer et traiter toutes sortes de maladies, notamment des troubles cardiaques et plusieurs types de cancer.
Notre pays fournit aussi les trois quarts du cobalt 60 utilisé dans le monde. Ce radio-isotope sert à stériliser près de la moitié des fournitures médicales jetables – par exemple les pansements, les cathéters et les seringues.
La technologie nucléaire apporte son lot d’avantages – des avantages réels et quantifiables : on sauve ou on prolonge des vies et on évite des maladies et des infections. Et le Canada fait partie d’un système d’expertise d’envergure mondiale qui fournit ces avantages invariablement et avec excellence.
Conclusion
Au fil des ans, les environnementalistes du monde entier ont de plus en plus de points communs avec les membres de l’industrie nucléaire – qui s’efforcent continuellement d’améliorer la sûreté, la rentabilité et la performance environnementale.
Sur ce, je vous remercie de nouveau de m’avoir invitée pour cet après-midi.