Sciences nucléaires : la cartographie des marées rouges
Les amateurs de fruits de mer pourraient un jour trouver leurs assiettes vides à cause du changement climatique. Les conclusions d’un rapport du Marine Stewardship Council [Conseil d’intendance des mers] indiquent que les émissions croissantes de gaz à effet de serre absorbées par les océans de la planète les réchauffent et augmentent leur acidité. Ces changements menacent les habitats dont les poissons et les autres organismes marins, comme les crustacés, ont besoin pour survivre.
La destruction des habitats coralliens, la montée du niveau des mers et les marées rouges ne sont que quelques exemples de la détérioration des océans à cause du changement climatique. Les marées rouges, des colonies d’efflorescences d’algues toxiques (EAT) ne sont pas neuves pour les communautés côtières. Ce phénomène est documenté depuis des siècles, mais ce n’est que récemment que les chercheurs ont examiné l’incidence des changements de l’environnement océanique sur ce phénomène côtier.
C’est alors que sont intervenues les sciences nucléaires. Des chercheurs des laboratoires de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de Monaco utilisent une technique nucléaire connue sous le nom d’épreuve de liaison ligand-récepteur (TIR) pour mieux détecter et établir la cartographie de ces efflorescences d’algues toxiques (EAT) afin de protéger les populations humaines.
Voici comment fonctionne le TIR : des toxines et radiotraceurs ou isotopes radioactifs rivalisent pour s’attacher aux récepteurs ou cellules au sein d’un échantillon prélevé. Le comportement des isotopes montre aux chercheurs le niveau de toxicité de l’échantillon.
Les marées rouges sont transportées par le vent et les courants océaniques, et aboutissent habituellement près des côtes. Le réchauffement océanique provoqué par l’absorption des gaz à effet de serre causés par le changement climatique augmente la fréquence et la gravité de ces efflorescences toxiques.
Comme l’a fait remarquer l’Agence de la protection de l’environnement des États-Unis (EPA) , les recherches récentes suggèrent que les répercussions du changement climatique renforcent la croissance et la dominance des efflorescences d’algues toxiques par le biais de différents mécanismes, notamment la hausse des températures, les changements de salinité, l’augmentation des concentrations atmosphériques en dioxyde de carbone, les changements de pluviosité, la remontée des eaux côtières et la montée du niveau des mers.
Les marées rouges peuvent s’avérer dévastatrices pour les économies fondées sur l’aquaculture des pays développés et en développement. Une marée rouge qui a touché l’île de Luçon, aux Philippines, en 2006, a eu des répercussions très préjudiciables pour 12 000 familles qui gagnent leur vie en pêchant des crustacés. Quand ces plantes toxiques pénètrent dans le réseau trophique, elles peuvent tuer des quantités importantes de poissons et de faune marine. Les US National Library Institutes of Medicine and Health (Instituts de médecine et de santé de la bibliothèque nationale des États-Unis) ont découvert de hauts niveaux de toxines chez des lamantins et des dauphins morts après une marée rouge.
Toutefois, l’incidence des marées rouges ne se limite pas à la faune marine. Les EAT peuvent aussi rendre malades les êtres humains, affectant principalement le système nerveux. L’intoxication paralysante par les mollusques (IPM) est une intoxication qui peut être mortelle et survient chez les personnes qui consomment des crustacés contenant des toxines de marée rouge. Manger des crustacés infectés peut avoir un effet sur le système nerveux et provoquer des vertiges ou des difficultés à avaler. Dans les cas extrêmes, cela peut conduire à la mort.
Il est possible que la science ne parvienne pas à arrêter les marées rouges, mais une méthode appelée épreuve de liaison ligand-récepteur (TIR) peut aider à détecter et établir la cartographie de ces efflorescences d’algues toxiques, un pas dans la bonne direction pour protéger la santé des environnements marins et des populations humaines.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’est associée à la Commission internationale Océanographique de l’UNESCO, les deux à leur tour collaborant avec environ 40 pays et transfèrant ces connaissances de la technologie nucléaire pour mettre fin aux effets des marées rouges sur la population humaine et rendre les fruits de mer plus sûrs grâce aux sciences nucléaires.