Les leçons à tirer de Yucca Mountain
juillet 2015
Le projet des États-Unis visant à enfouir du combustible nucléaire irradié en profondeur à Yucca Mountain est au point mort depuis des années, même si les données scientifiques ont confirmé que le site respecte les critères de sûreté. Pourquoi?
Les États-Unis ont recensé au départ 15 sites possibles. Les autorités n’ont pas tardé à arrêter leur choix sur Yucca Mountain, ancien site d’essais nucléaires au Nevada. Le processus américain n’a duré que quelques années. Le public n’a pas été consulté, ce qui a suscité une opposition au projet.
Il y a aussi un précédent au Canada. En 1989, une commission a étudié l’idée d’aménager un site de stockage des déchets dans le granit du Bouclier canadien. En 1998, après avoir consulté le public, la Commission Seaborn a affirmé qu’il s’agissait d’un projet valable sur le plan technique : on pouvait stocker les déchets sans danger sur le site. Mais elle a constaté que l’acceptation du projet par la population n’était pas acquise. Le gouvernement du Canada a alors décidé que l’acceptabilité sociale serait une exigence pour tout projet de stockage permanent.
À l’heure actuelle, des travaux sont en cours au Canada afin de trouver deux sites pour le stockage de déchets nucléaires, soit un pour le combustible irradié et l’autre pour les déchets de faible et de moyenne activité.
Les déchets de faible activité incluent les vadrouilles, les balais, les gants, etc. Ils ne sont pas nécessairement radioactifs, mais l’industrie nucléaire adopte le principe de précaution pour protéger la population et l’environnement. Elle les protège également contre le rayonnement émis par les déchets de moyenne activité, qui comprennent les pièces de réacteur remplacées.
Les dirigeants des deux projets canadiens sont conscients des leçons à tirer de Yucca Mountain et de la Commission Seaborn. Les représentants de la Société de gestion des déchets nucléaires ont parlé avec 21 collectivités qui s’étaient dites intéressées à accueillir un dépôt pour le stockage de combustible irradié. Après avoir examiné les caractéristiques géologiques des sites proposés, la SGDN en a retenu neuf.
Un site a déjà été choisi à Kincardine, en Ontario, pour le stockage des déchets de faible et de moyenne activité. Une commission d’examen mise sur pied par le gouvernement fédéral doit encore approuver l’emplacement. Elle a jugé que l’emplacement et la conception permettront un stockage sécuritaire – conclusion étayée par des données scientifiques solides. La commission d’examen a également mené de vastes consultations publiques. Elle a notamment retenu les services d’un groupe de spécialistes pour évaluer la perception du public concernant le risque associé au projet. D’après William Leiss, qui dirigeait le groupe, « ce travail se fait dans l’ombre de la Commission Seaborn. Il est manifeste que la commission d’examen conjoint s’est préoccupée de l’acceptation par la population ».
La mairesse de Kincardine, Anne Eadie, abonde dans le même sens : « Au cours des audiences, ils ont fait le maximum pour entendre tous les citoyens qui souhaitaient s’exprimer et saisi toutes les occasions de prendre connaissance de toutes les préoccupations. »
Dès le début du processus de consultations, Kincardine a demandé aux résidents ce qu’ils pensaient du projet. Dans le cadre d’ un sondage téléphonique mené en 2005, 60 % des répondants étaient d’accord avec le concept et 22 % étaient contre.
Dix ans plus tard, la mairesse Eadie affirme : « La majorité des résidents demeurent favorables au DGP. Dans l’ensemble, ils sont beaucoup mieux informés, car la plupart d’entre eux travaillent à la centrale ou ont des parents proches qui y travaillent. »
Il ressort clairement du rapport du groupe dirigé par M. Leiss que l’acceptation par la population repose sur une bonne compréhension du risque. Les consultations se poursuivront à mesure que le projet progressera.