La science nucléaire au secours de nos pommes
La vallée de l’Okanagan, dans le sud de la Colombie-Britannique, est connue pour ses magnifiques plages, l’eau pure de ses lacs et sa production de fruits. Ces petites douceurs constituent justement l’un des principaux moteurs de l’économie locale. Mais saviez-vous que la science nucléaire joue un rôle clé dans la protection des récoltes de pommes?
La production de fruits de verger est une activité générant près d’un milliard de dollars par année, ce qui en fait l’une des plus importantes industries dans la région. La pomme règne en roi dans la vallée de l’Okanagan : plus de la moitié des vergers sont effectivement consacrés à sa culture.
Cependant, les producteurs de fruits de la région de l’Okanagan n’ont pas toujours fait les manchettes pour l’abondance de leurs récoltes. Par le passé, les ravageurs et des maladies ont représenté une grande menace pour la viabilité des arboriculteurs avec, comme principal coupable, le carpocapse de la pomme – un insecte qui a porté gravement atteinte à l’industrie pomicole de la Colombie-Britannique.
Ce carpocapse, ou ver de la pomme, s’attaque directement au fruit et peut dévaster entre 50 et 90 % des récoltes. Or l’utilisation de pesticides pour contrôler la population de carpocapses, et ainsi éviter les dommages causés aux cultures, a des effets négatifs sur l’environnement et la santé. Et le recours prolongé aux pesticides a posé un autre défi : l’immunité, les carpocapses ayant développé une résistance aux produits chimiques.
Afin de trouver une solution sans risque pour l’environnement tout en luttant contre les ravages causés par le carpocapse de la pomme, des chercheurs se sont tournés vers la technologie nucléaire. L’équipe du Programme de lâcher d’insectes stériles dans les régions de l’Okanagan et de Kootenay (Okanagan-Kootenay Sterile Insect Release Program) a du succès avec la technique de stérilisation des insectes (TSI). Cette technique a permis de réduire les dégâts causés aux fruits et de contrôler la population de carpocapses de la pomme dans la région intérieure de la Colombie-Britannique, tout en diminuant l’utilisation de produits chimiques. Et cela fait plus de 20 ans que l’équipe constate l’efficacité de la technique.
« Avec le changement climatique, le nombre de ravageurs augmente à chaque saison et leur résistance à la lutte chimique (pesticides) devient de plus en plus préoccupante. En Colombie-Britannique, nous avons réduit de plus de 90 % les pesticides utilisés pour contrôler le carpocapse de la pomme », explique Cara Nelson, directrice générale et directrice du développement commercial pour le Programme de lâcher d’insectes stériles dans les régions de l’Okanagan et de Kootenay.
Ce programme financé et exploité localement prouve son utilité comme technique de lutte contre les ravageurs. Tel un moyen de contraception pour ravageurs, la TSI utilise de faibles quantités de radiation pour stériliser les carpocapses, évitant ainsi qu’ils ne se reproduisent.
« C’est comme faire une radiographie chez le dentiste. Le patient ne devient pas radioactif. Si la radiation est différente, le principe d’exposition au rayonnement de l’insecte est similaire », souligne Mme Nelson.
Méconnue du grand public, la recherche sur la TSI contre le carpocapse de la pomme remonte pourtant aux années 1970, lorsqu’on a découvert que la TSI pouvait avoir de sérieux avantages pour l’industrie pomicole. Les installations en Colombie-Britannique peuvent produire environ 780 millions de carpocapses stériles par an. Actuellement, près de 2 000 carpocapses stériles sont fournis chaque semaine aux producteurs locaux. Des pièges sont installés à chaque hectare et contrôlés toutes les semaines afin de déterminer le nombre d’individus stériles et sauvages capturés. Les données sont ensuite téléchargées au moyen d’une application sur téléphone intelligent, puis envoyées aux producteurs locaux. L’équipe procède également à des inspections visuelles des fruits et surveille les endroits à forte concentration de carpocapses.
« Plusieurs producteurs de la région ne savent même pas à quoi ressemblent les dommages causés par le carpocapse de la pomme, car ils n’ont jamais été confrontés au problème », explique Mme Nelson. « Toutefois, si nous cessons le programme, le ravageur sévira de nouveau », prévient-elle.
Mme Nelson aimerait que ce programme connaisse un succès similaire ailleurs qu’en Colombie-Britannique. Elle espère que les gouvernements provinciaux et fédéral investiront dans d’autres projets de recherche sur la TSI et d’application de la technique, du fait de sa capacité à préserver les économies agricoles tout en réduisant l’utilisation de produits chimiques dangereux. Elle estime par ailleurs que les avantages de la TSI vont bien au-delà des frontières du Canada et travaille actuellement avec d’autres régions d’Europe et des États-Unis pour leur fournir des carpocapses stériles et contribuer, par le transfert de connaissances, à l’acceptation et à l’intégration de la TSI parmi les techniques d’agriculture. Et tout cela, grâce à la science nucléaire.