Allocution prononcée lors de la Chambre de commerce de Toronto
Allocution prononcée par Denise Carpenter, présidente et chef de la direction, Association nucléaire canadienne
lors de la Chambre de commerce de Toronto
le 16 mars 2011
Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous avons bien des choses à dire aujourd’hui, mais permettez-moi d’abord de remercier Terry Maxey, responsable mondial des services électronucléaires chez Accenture, et de féliciter Accenture pour cette série de conférences qu’elle parraine sur l’énergie.
Je tiens aussi à remercier tout particulièrement Carol Wilding, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce de Toronto, de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui.
Tout d’abord, en cette période difficile, nos pensées et nos prières se tournent vers les habitants du Japon et leurs nombreux parents et amis au Canada. Et nous leur offrons nos très sincères condoléances. Mes collègues de l’industrie nucléaire canadienne pensent particulièrement aux efforts héroïques que déploient les travailleurs et les dirigeants à la centrale de Fukushima et ailleurs, sans oublier les nombreuses équipes d’intervention d’urgence qui les appuient. On n’a pas idée des sacrifices qu’ils doivent faire et de tout ce qu’ils doivent subir.
À la fin de mon allocution, je vous inviterai à discuter avec certains dirigeants de l’industrie nucléaire canadienne.
Toujours est-il que le Japon a été secoué par un séisme de magnitude neuf sur l’échelle de Richter et que les principales infrastructures, y compris le réseau électrique, ont été endommagées. Le tsunami qui a suivi le séisme a détruit de vastes zones côtières et mis hors service les systèmes d’alimentation de secours de la centrale nucléaire de Fukushima.
La centrale en tant que telle n’a pas subi de dommages considérables en raison du séisme. Permettez-moi d’insister sur un point. Des installations nucléaires construites il y a quarante ans pour résister à des séismes de magnitude 7,8 ou 7,9 ont en fait résisté à un séisme beaucoup plus violent sans subir de graves dommages.
Si la situation a dégénéré, c’est uniquement parce que le tsunami a emporté les lignes électriques et contaminé le combustible des systèmes d’alimentation de secours.
La centrale a été mise à l’arrêt automatiquement, comme ce qui avait été prévu dès la conception. Toutefois, privés de leurs sources d’alimentation primaire ou secondaire, les systèmes de refroidissement n’ont pas fonctionné. Les opérateurs ont dû s’en remettre à d’autres méthodes pour refroidir le cœur des réacteurs après l’arrêt. Et l’hydrogène qui s’est accumulé par suite des mesures de refroidissement a provoqué des explosions externes. Les autorités ont évacué une zone étendue autour de la centrale.
Les ressources et la force d’âme des Japonais sont mises à rude épreuve par les événements. Et les problèmes de réacteurs ne sont qu’un élément parmi d’autres. Les Japonais s’efforcent de résoudre les problèmes actuels en misant sur leur préparation, leur esprit d’initiative, leur intelligence, leur solidarité et leur courage.
Avant de revenir au dossier du Japon, je me permets d’énoncer certains faits concernant les centrales nucléaires canadiennes. Toutes les centrales nucléaires du pays sont conçues pour résister aux séismes. Tant les structures que les systèmes de sûreté sont conçus et construits conformément aux normes sismiques – même s’ils se trouvent dans des régions où les séismes violents et les tsunamis sont TRÈS improbables.
Notamment, les réacteurs qui assurent 50 % de la production d’électricité en Ontario ont été construits à des endroits où les séismes violents sont fort improbables. Ils se trouvent près des Grands Lacs, où il n’y a guère de risque de tsunami susceptible de les endommager. Et, même dans cette éventualité, la conception des réacteurs leur permettrait de résister à des séismes plus violents que ceux qui sont susceptibles de survenir en Ontario une fois tous les 1 000 ans.
Les réactions nucléaires se produisent dans une enceinte de confinement constituée d’une paroi épaisse en béton armé doublée d’un blindage en acier. L’enceinte de chaque réacteur nucléaire est reliée à un bâtiment sous vide. En cas d’accumulation de vapeur dans l’enceinte de confinement, celle-ci serait acheminée dans un bâtiment sous vide où de l’eau provenant d’un imposant réservoir serait projetée du haut du bâtiment pour la refroidir.
Chaque réacteur est doté de deux systèmes d’arrêt et de plusieurs systèmes d’alimentation électrique de secours. Dans l’ensemble de notre parc nucléaire, on trouve une combinaison d’alternateurs de secours ainsi que de systèmes d’alimentation d’urgence et auxiliaires répondant à différents degrés de qualification sismique. On obtient ainsi un filet de sécurité grâce à l’alimentation électrique redondante.
Depuis plusieurs années, les exploitants de centrales investissent dans la mise à niveau de ces systèmes et des systèmes d’extinction des incendies dans le cadre d’un vaste programme d’amélioration continue de la sûreté. En cas de séisme majeur comme ceux qui se produisent une fois tous les 1 000 à 10 000 ans, tous les systèmes d’alimentation parasismiques et certains systèmes non parasismiques seront disponibles.
Nous sommes fiers de notre dossier de sûreté, mais la prudence est toujours de mise. Bien entendu, nous examinerons minutieusement la tragédie survenue au Japon pour en tirer des leçons afin d’améliorer la sûreté ici en Ontario.
Au cours des dernières décennies, la politique énergétique des Japonais reposait sur un équilibre entre efficacité et autonomie. Or, c’est précisément afin d’atteindre cet équilibre qu’ils ont retenu la filière nucléaire pour une part importante de leur portefeuille énergétique – environ 30 %. Il s’agit là d’une décision éclairée qui a été mûrement réfléchie. Cette proportion représente à peu près le double de la part de la filière nucléaire au Canada, mais un peu moins que la part de 50 % qu’elle occupe en Ontario.
La production d’énergie nucléaire nécessite des capitaux considérables et des travaux d’ingénierie très pointus. Il faut aussi améliorer continuellement la sûreté et l’efficacité.
Les centrales nucléaires consomment très peu de combustible, elles rejettent très peu d’émissions dans l’environnement et leur encombrement au sol est faible. Ces atouts constituent des avantages indéniables pour le Japon, dont les ressources naturelles sont très limitées.
Les Japonais – à tout le moins la grande majorité d’entre eux – sont des gens bien renseignés. Ils sont au fait des risques et des effets à court et à long terme des rayonnements. Ils connaissent les coûts comparatifs des solutions énergétiques qui s’offrent à eux. Et ils sont les champions du monde incontestés en matière d’efficacité énergétique. Ils comprennent très bien les risques auxquels leur société serait exposée en cas de séisme et de tsunami.
Nul doute que de nombreux Japonais ont amplement matière à réflexion cette semaine et je ne peux lire dans leur pensée. Mais, il est peu probable qu’ils soient nombreux à se dire lorsque la vie reprendra son cours normal : « Eh bien, je suppose que nous avons eu tort d’opter pour le nucléaire. Renforçons nos programmes d’efficacité énergétique, construisons des parcs éoliens et recommençons à brûler du charbon. »
Pas plus que les événements du 11 septembre n’ont incité les Nord-Américains à déserter les tours à bureaux ou à cesser de voyager par avion.
Le temps nous le dira. Mais je peux vous affirmer ce matin que les événements survenus à Fukushima et dans les autres centrales japonaises frappées par le séisme feront l’objet d’études minutieuses. Comme c’est le cas pour tous les incidents nucléaires.
Les faits sont documentés de manière approfondie et les données sont mises en commun à l’échelle planétaire. On passe déjà en revue la conception technique des centrales existantes et prévues. Le processus d’amélioration continue se poursuivra.
L’industrie continuera d’améliorer l’efficacité et la sûreté de toutes les centrales nucléaires. De même que la conception technique des gazoducs ou des lignes haute tension, des trains de marchandises, des navires de charge ou de tous les autres systèmes complexes et foncièrement à risque sur lesquels repose notre société moderne.
Soit dit en passant, au cas où vous vous poseriez la question, toutes les centrales nucléaires canadiennes sont conçues pour résister aux séismes. Tant les structures que les systèmes de sûreté sont conçus et construits conformément aux normes sismiques – même s’ils se trouvent dans des régions où les séismes violents et les tsunamis sont TRÈS improbables.
Grâce à leur conception, les centrales actuellement en exploitation au Canada figurent parmi les plus robustes du monde. En outre, contrairement à la plupart des autres filières de réacteurs, elles consomment du combustible d’uranium naturel et non du combustible enrichi, ce qui réduit à plusieurs égards le risque de radioactivité tout en contribuant à la lutte contre la prolifération au cours de l’ensemble du cycle du combustible. Ce qui veut dire que ceux qui souhaiteraient se procurer des matières fissiles à des fins illégitimes pourraient difficilement les utiliser.
Maintenant, nous savons tous que nos amis les militants antinucléaires se serviront des événements survenus au Japon pour renforcer leurs arguments. Et c’est de bonne guerre. Ils peuvent le faire. Je voudrais simplement demander deux choses à chaque personne présente ici, y compris les représentants des médias.
Premièrement, NE TENEZ PAS pour acquis que tous ceux qui ont un micro à la main ou qui tiennent un blogue sont des spécialistes en technologie nucléaire. S’il vous plaît, parlez à des spécialistes qualifiés. Selon la nature de vos questions techniques, mon organisation peut vous mettre en contact avec les spécialistes les plus éminents de toutes les disciplines au Canada. N’hésitez pas à nous donner un coup de fil!
Ma deuxième demande est la suivante : NE VOUS LAISSEZ PAS guider ou manipuler par la peur. La peur est généralement mauvaise conseillère pour ce qui est de prendre des décisions.
Soyez plutôt à l’affût de données qui quantifient le risque et qui établissent des comparaisons. En l’état actuel des connaissances, quelle est la probabilité qu’un événement se produise? Quelle est la toxicité d’une substance? Combien de personnes sont mortes ou ont été blessées par suite d’un événement? Voilà le genre de questions que nous devons poser. « Quel est votre degré d’inquiétude? » – cette question est parfaitement légitime, mais ce n’est pas la seule qui s’impose.
Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de revenir un peu plus tard sur les événements survenus au Japon et les aspects techniques. Mais permettez-moi d’abord de préciser que l’industrie nucléaire mondiale forme véritablement un milieu « tricoté serré ». Au Canada, nous sommes environ 71 000. Comme il s’agit d’un domaine très spécialisé, nous attirons des spécialistes fort compétents d’autres régions du monde. En tant qu’individus, nous avons établi beaucoup de liens avec des gens d’autres pays.
Soulignons ensuite la mise en commun constante de données techniques et d’information de gestion, dont j’ai parlé tout à l’heure et qui permet à chacun d’apprendre de l’expérience des autres, dans le cadre de réseaux comme l’Association mondiale des exploitants de centrales nucléaires, l’Institut mondial des transports nucléaires et, évidemment, l’Agence internationale de l’énergie atomique. Il est ici question de savoir mondial, d’expertise mondiale reposant sur la mise en commun de l’information. Ce n’est pas une chasse gardée propre à un seul pays ou à une seule entreprise.
À la Conférence annuelle de l’Association nucléaire canadienne qui s’est tenue il y a quelques semaines, plus de 700 délégués d’une quinzaine de pays se sont réunis à Ottawa pour discuter de l’avenir du nucléaire au Canada et dans le reste du monde. Nous avons alors entendu parler de percées remarquables sur le front de la recherche nucléaire ici et dans d’autres pays ainsi que d’engagements importants qui ont été pris ici même au Canada, par exemple les projets de construction et de réfection de centrales nucléaires en Ontario.
Nous avons entendu parler de nouveaux marchés pour l’uranium canadien en Chine et ailleurs dans le monde. Saviez-vous que les gisements d’uranium les plus riches à l’échelle planétaire se trouvent en Saskatchewan? Le potentiel énergétique de ces réserves représente l’équivalent de la consommation actuelle de pétrole au Canada sur une vingtaine d’années.
Des équipes de l’Inde, de la Corée du Sud et du Chili viennent chez nous à la recherche de partenaires. Des technologies nouvelles, comme celle des petits réacteurs modulaires, commencent à prendre leur essor. Il y a assurément de grands défis à relever, mais l’industrie nucléaire mondiale est à la hauteur, en grande partie grâce aux efforts concertés.
Il y a à peu près une minute, j’ai nommé certaines organisations mondiales qui assurent la mise en commun du savoir dans le domaine nucléaire. Je n’ai pas mentionné la Fondation pour la recherche sur les effets des rayonnements. Cette organisation, qui soit dit en passant est établie au Japon, possède des connaissances à la fine pointe concernant les effets du nucléaire sur la santé humaine. Mais saviez-vous que le Canada a aussi joué un rôle de premier plan dans le domaine?
On peut dire que la médecine nucléaire mondiale a vu le jour au Canada en 1951 lorsque des radio-isotopes, du cobalt 60, ont été utilisés pour la première fois contre le cancer. Notre pays demeure à l’avant-garde sur ce front depuis une soixantaine d’années – une soixantaine d’années. Les radio-isotopes médicaux produits au Canada sont utilisés dans plus de 50 000 procédures chaque jour dans le monde, dont 5 000 au pays. Chaque jour.
Les radio-isotopes médicaux sont utilisés dans des traitements ciblés contre différents types de cancer, par exemple le cancer du foie ou du cerveau et le lymphome non hodgkinien.
Par ailleurs, le Canada fournit plus de la moitié des radio-isotopes utilisés pour l’imagerie médicale à l’échelle mondiale. Grâce aux images obtenues, les médecins peuvent diagnostiquer et traiter toutes sortes de maladies, notamment des troubles cardiaques et plusieurs types de cancer.
J’aimerais souligner un autre fait concernant la technologie nucléaire : les radio-isotopes se désintègrent en quelques jours. C’est pourquoi il faut les livrer très rapidement, partout dans le monde où l’on administre ces traitements. Cela signifie que les entreprises canadiennes qui fournissent les radio-isotopes gèrent non seulement des activités complexes de production et d’emballage de matières radioactives, mais aussi des services d’expédition juste-à-temps de haute technicité pour acheminer quotidiennement ces matières partout dans le monde.
Au fait, le Canada fournit aussi les trois quarts du cobalt 60 servant à stériliser près de la moitié des fournitures médicales jetables – par exemple les pansements, les cathéters et les seringues.
La technologie nucléaire est aussi utilisée pour stériliser toute une gamme d’aliments et d’autres produits de consommation, que nous utilisons en grand nombre dans notre vie quotidienne – par exemple les solutions pour lentilles cornéennes.
La technologie nucléaire apporte donc son lot d’avantages – des avantages réels et quantifiables : on sauve ou on prolonge des vies et on évite des maladies et des infections. Et le Canada fait partie d’un système d’expertise d’envergure mondiale qui fournit ces avantages invariablement et avec excellence.
Penchons-nous maintenant sur une autre communauté mondiale – celle des gens qui luttent pour la qualité de l’air et contre le changement climatique.
En parlant de la politique énergétique adoptée par le Japon, j’ai mentionné que les centrales nucléaires ne rejettent pratiquement pas de gaz à effet de serre.
Le Canadian Energy Research Institute a analysé les émissions de gaz à effet de serre de différentes filières de production d’électricité et il a conclu que les émissions de la filière nucléaire sont beaucoup plus faibles que celles des filières charbon, mazout ou gaz naturel et comparables à celles des filières éolienne, solaire ou hydraulique.
En 2011, notre pays tire encore davantage d’électricité de sa cinquantaine de centrales thermiques classiques que de sa vingtaine de réacteurs nucléaires. Si le Canada utilisait des centrales thermiques classiques au lieu des centrales nucléaires canadiennes actuelles pour produire la même quantité d’électricité, il générerait 90 millions de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires chaque année, soit l’équivalent de 12 % de nos émissions annuelles.
En revanche, on pourrait grandement réduire l’empreinte carbonique de notre pays et du monde en remplaçant l’énergie d’origine fossile par l’énergie nucléaire.
Les faibles émissions, les coûts de combustible peu élevés et le faible encombrement au sol font déjà du nucléaire une filière attrayante pour de nombreux pays, avant même de parler de plafonnement ou de tarification des émissions de carbone.
D’année en année, les environnementalistes du monde entier ont de plus en plus de points communs avec les membres de l’industrie nucléaire – qui s’efforcent continuellement d’améliorer la sûreté, la rentabilité et la performance environnementale.
Ce qui m’amène à la question de la rentabilité.
Nous souhaitons tous une économie offrant quantité d’emplois rémunérateurs hautement qualifiés. Or, l’essor de l’industrie nucléaire aide à concrétiser cette vision.
Dans un rapport publié en juillet 2010, Manufacturiers et Exportateurs du Canada affirme que deux projets – la réfection des installations nucléaires de Bruce et de Darlington – créeront à eux seuls 25 000 emplois rémunérateurs pendant 10 ans en plus d’injecter 5 milliards de dollars par an dans l’économie ontarienne. Ces projets permettront aussi d’améliorer l’infrastructure au bénéfice des ménages et des industries pour la génération suivante.
Mais qu’en est-il du coût, de votre facture d’électricité? Les groupes antinucléaires veulent faire croire à tort que les coûts sont simplement trop élevés.
En tant que gens d’affaires, vous savez bien que nous pourrions avoir une très longue conversation sur la comptabilité des coûts de revient. Au lieu de cela, permettez-moi de citer trois raisons pour lesquelles il pourrait être trompeur de comparer le coût de différentes filières de production d’électricité. Ces trois raisons sont la longévité, la rigueur et les coûts externes.
La longévité renvoie à la durée de vie. Les réacteurs nucléaires peuvent fonctionner pendant cinquante ans, voire davantage.
C’est la première raison majeure qui peut conduire à une mauvaise interprétation des coûts de la filière nucléaire. Les coûts de combustible représentent une très faible proportion de nos coûts d’exploitation – ce qui atténue le risque. Mais nos problèmes de financement sont différents.
Une augmentation des taux d’intérêt peut nuire à notre rentabilité à peu près de la même façon qu’une hausse du prix du combustible réduit la rentabilité des autres filières de production d’électricité. Les ententes prévoyant des capitaux à coût raisonnable et une bonne couverture doivent faire partie de la réalité nucléaire.
La deuxième raison est la rigueur. Comme l’industrie nucléaire est soumise à une réglementation plus rigoureuse que toutes les autres, les produits conçus par nos ingénieurs atteignent des niveaux de sûreté et de fiabilité nettement supérieurs à ce qu’on attend d’autres industries. Et le degré de surtechnicité ne cesse d’augmenter.
Les coûts externes constituent la troisième raison. Tout simplement, la structure de coûts de certaines activités économiques n’inclut pas tous les coûts qu’ils imposent à la société. Les coûts que l’on ne prend pas en compte sont appelés « coûts externes ». Les émissions atmosphériques sont l’exemple classique du cas où l’émetteur ne prend pas pleinement en charge le coût des répercussions environnementales. Il s’ensuit que les comparaisons entre industries ne sont pas forcément exactes. Or, dans l’industrie nucléaire, les coûts externes sont minimes et ce, pour plusieurs raisons : l’encombrement au sol de nos installations est faible, nous ne rejetons pratiquement pas d’émissions dans l’environnement et la très petite quantité de combustible irradié et d’autres matières radioactives que nous générons est soumise à une surveillance très stricte et nous en assurons en grande partie nous-mêmes le stockage et la gestion.
Nous prenons donc en compte tous les coûts d’emballage, de gestion, de stockage et d’élimination de ces matières, ce qui signifie que ces coûts sont compris dans le prix de l’énergie nucléaire.
J’ai promis de ne pas vous imposer un long exposé sur la comptabilité des coûts de revient. Mais permettez-moi de résumer l’essentiel : il est parfois difficile d’établir des comparaisons équitables. La longévité, la rigueur et les coûts externes sont trois éléments qui introduisent généralement dans la comparaison des coûts de l’électricité un biais qui défavorise le nucléaire. Quoi qu’il en soit, lorsqu’on établit minutieusement des comparaisons détaillées, la filière nucléaire semble raisonnablement concurrentielle.
D’après des études réalisées par l’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE –, le coût global pour le consommateur tout au long de la durée de vie d’une centrale nucléaire est similaire à celui de l’énergie produite par les grandes centrales hydrauliques, les centrales au gaz naturel ou les centrales au charbon et beaucoup plus faible que celui de l’énergie éolienne ou solaire.
Et la tarification des émissions de carbone n’est pas encore prise en compte. Vous pouvez donc imaginer ce qui se passe ensuite. La rentabilité de la filière nucléaire augmente de façon proportionnelle au prix du carbone.
La recherche-développement joue un rôle de premier plan dans les efforts déployés par l’industrie nucléaire mondiale pour obtenir les résultats escomptés dont j’ai parlé aujourd’hui et pour en tirer parti collectivement – l’amélioration continue de la sûreté, les avancées médicales et l’énergie propre.
À mon avis, la plupart d’entre nous ont une bonne idée de la recherche-développement, de la mesure dans laquelle elle contribue à notre productivité et à notre niveau de vie et du rôle que joue la mise en commun des compétences et des connaissances à l’échelle internationale à l’appui de ces avancées. Permettez-moi de dire quelques mots concernant certains avantages particuliers de la recherche-développement nucléaire.
C’est grâce à cette recherche-développement que nous pouvons compter sur des installations et des services qui ont des applications très variées dans d’autres secteurs, comme la science des matériaux. Les essais qui font appel aux faisceaux de neutrons doivent obligatoirement être effectués dans des installations nucléaires majeures. Des matériaux nouveaux ou bien des pièces ou des produits fabriqués à partir de ces matériaux sont soumis à ce type d’essais pratiquement chaque jour. Ces essais constituent une mine de renseignements irremplaçable pour bien comprendre la performance de pièces et de matériaux soumis à certains types de contraintes. Les essais réalisés au moyen des faisceaux de neutrons permettent de recueillir cette information sans détruire ni endommager l’échantillon examiné.
Ainsi, la recherche-développement nucléaire – particulièrement celle menée dans nos grandes installations – permet de tester les matériaux et d’améliorer les produits, de fournir des produits et des services médicaux, d’assurer la formation et le perfectionnement de chercheurs et d’ingénieurs et d’exercer d’autres activités fort utiles dans une économie évoluée.
Mais pour aborder la recherche-développement nucléaire sous un angle concret, j’aimerais citer quelques exemples qui montrent le rôle qu’elle joue dans notre vie quotidienne.
La technologie nucléaire a été utilisée pour développer le disque dur de votre ordinateur, qui vous permet de conserver vos photos de famille et d’autres documents.
La recherche-développement nucléaire a permis à l’industrie papetière québécoise de réduire de 10 % sa facture énergétique. Grâce à nos innovations, les producteurs de papier du Québec ont réduit leur consommation d’énergie et réalisent par le fait même des économies de 6 millions de dollars par an.
La recherche-développement nucléaire et ses applications ont permis d’améliorer la durabilité et la fiabilité du pont que vous traversez peut-être chaque jour pour vous rendre au travail.
L’apport de la recherche-développement nucléaire dans les sciences de la santé est aussi indéniable. Tenons-nous-en à un seul exemple : des chercheurs étudient actuellement des nanostructures afin de concevoir des vecteurs pour des agents thérapeutiques qui peuvent cibler le cancer, la maladie d’Alzheimer et d’autres affections.
Ces percées sont utiles non seulement au Canada, mais aussi dans tous les autres pays où nous vendons nos produits. Et dans chaque pays qui envoie des échantillons aux fins d’essais ou d’analyses dans des installations de recherche-développement canadiennes. Ces percées offrent aux pays en développement la possibilité d’améliorer leur qualité de vie.
Mes amis, j’ai commencé mon allocution en parlant de la catastrophe qui frappe le Japon. Je vous ai demandé de vous adresser à des spécialistes vraiment qualifiés dans le domaine de la technologie nucléaire et non à des soi-disant experts. Je vous ai aussi demandé de ne pas vous laisser guider uniquement par l’inquiétude, mais aussi par la réflexion et la quête d’information.
La tragédie actuelle soulève de nombreuses questions et elle alimente le débat et le dialogue, ce qui est une bonne chose. Mais IL NE FAUT PAS remettre en question l’utilité de la technologie nucléaire.
Nous savons que cette technologie fait partie intégrante de notre monde moderne évolué et interdépendant. Elle fait partie intégrante de la médecine moderne. Elle fait partie intégrante de la salubrité des aliments. Elle fait partie intégrante des matériaux et de la fabrication de pointe. Elle fait partie intégrante d’un portefeuille énergétique équilibré. Et, enfin, elle fait partie intégrante de la solution aux besoins énergétiques dans un monde où les émissions de carbone doivent être limitées.
Les 71 000 Canadiens qui travaillent dans l’industrie nucléaire jouent un rôle déterminant sur tous ces fronts. Nous fournissons toute une gamme de produits et services qui sont utiles aux Canadiens, voire au reste de l’humanité.
Encore une fois, les habitants du Japon sont aujourd’hui dans le cœur et les pensées de ces 71 000 Canadiens.
En terminant, je tiens à vous remercier de nouveau de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous ce matin.
Je vous ai exhortés à parler aux spécialistes. Justement, plusieurs dirigeants de l’industrie nucléaire canadienne se trouvent dans la salle avec nous aujourd’hui. Nous serons ravis de discuter avec vous et de connaître votre point de vue.
Duncan Hawthorne, président et chef de la direction de Bruce Power, est l’un des spécialistes de notre industrie. Je l’invite maintenant à vous adresser quelques mots.
Après la période de questions et réponses, nous serons à votre disposition dans le salon, avec les autres dirigeants de notre industrie, pour tenir une séance d’information à l’intention des journalistes qui sont parmi nous ce matin.